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- Chapitre 6 -

  Mégère entre dans la demeure de son ma?tre. Les couloirs, usuellement remplis des ames défuntes allant et venant, sont vides. Les pas de l'érinye résonnent dans le corridor.

  ? Personne dans le salon, personne devant les chambres... ?

  Mégère s'inquiète, elle sait que quelque chose se trame. Elle passe la tête dans l'un des couloirs et elle aper?oit Louna. La servante jette des regards à droite à gauche et semble apeurée.

  ? Louna ? Où sont partis tous les autres ?

  - Oh, Mademoiselle ! Rendez vous vite auprès du ma?tre, s'il vous pla?t ! Il est très en colère, Nyx m'a dit de venir vous trouver quand vous reviendrez. ?

  Mégère frissonne. Après la défaite d'Alecto, Mégère avait laissé passer le prince vers Asphodèle. Est-il possible qu'Alecto ait vu clair dans le jeu de sa s?ur ? Peu probable, selon Mégère, mais pas impossible... L'érinye n'a de toute fa?on plus le choix, il faut se rendre dans la salle du tr?ne.

  ? Louna, est-ce que tu sais de quoi il s'agit ? demande Mégère.

  - Non Mademoiselle, j'ai simplement vu Alecto, votre s?ur, sortir du Styx. Je me demande bien qui a pu la battre... Elle est partie en direction de la salle du tr?ne. S'il vous pla?t Mademoiselle, dites-moi qu'il n'y a rien de grave...

  - Je ne peux rien te dire pour l'instant, répond simplement Mégère. ?

  ***

  La salle du tr?ne est une immense pièce tout en longueur située derrière le grand bureau face au Styx. Elle est plongée dans l'obscurité et les pierres gris anthracite absorbent le peu de lumière qui s'infiltre dans la pièce. Sur les bords de la nef centrale, sont alignés de larges piliers ronds arborés de représentations infernales. Des visages déformés ou des statues de créatures démoniaques sont disséminés autour de l'allée. Les murs et le plafond sont trop sombres pour être visibles. La pièce semble noyée dans un ab?me insondable.

  Mégère entre et aper?oit sa s?ur, à genoux, qui lui tourne le dos. Devant elle, un large estrade en pierre s'étale d'un bord à l'autre de la pièce. Nyx se tient debout sur la droite du tr?ne. Elle se tient droite, immobile et a un regard sévère. Enfin, sur le siège central est installé le ma?tre des lieux.

  Hadès surplombe la scène, le dieu mesure plus de deux fois la taille des autres protagonistes. Accoudé à son siège, il a un regard sombre et accusateur. Sa longue barbe repose le long de son torse. Il est vêtu d'une large tunique noire dévoilant une musculature impressionnante. Son large corps noueux était recouvert d'inscriptions et de représentations divines.

  Mégère s'avance à la hauteur de sa s?ur et s'agenouille à gauche de celle-ci, face à leur ma?tre sans rien dire. Le silence perdure et l'érinye peut entendre son c?ur battre dans sa poitrine. Nyx prend la parole la première :

  ? Megaera, est-ce vrai que Zagreus est entré dans l'Asphodèle ? ?

  Le courage de l'érinye s'effondre en un quart de seconde. Elle aurait aimé tout sauf cette question.

  ? Oui, c'est vrai Madame, répond Mégère avec le peu d'assurance qu'il lui reste. ?

  Elle relève timidement la tête et aper?oit Nyx qui la fixe puis se tourne vers Hadès. Celui-ci les observe en silence. Il pousse un grand soupir.

  Il se relève lentement en s'appuyant sur son siège. Debout, le ma?tre semble immense, son ombre écrase les deux s?urs. Mégère est tétanisée. Toujours sans un mot, Hadès descend lentement les trois marches de l'estrade.

  ? C'est fini pour moi, pense Mégère. ?

  Elle plisse les yeux et serre les dents en sentant le dieu se rapprocher.

  ? J'espère que tu feras mieux que ta s?ur. ?

  Mégère se contracte mais reste immobile. Une larme coule le long de sa joue.

  Soudain un cri bref retentit à c?té de Mégère. L'érinye se tourne brusquement vers sa s?ur. Hadès avait empoigné l'aile d'Alecto et la tenait fermement. Mégère fixe sa s?ur tétanisée. Le dieu resserre lentement son étreinte sur l'érinye. Un claquement sec provenant de l'aile retentit dans toute la pièce, puis un autre. Hadès serre si fort que les os d'Alecto éclatent les uns après les autres. Le bruit est insoutenable pour Mégère, elle est tétanisée, incapable de faire le moindre mouvement. Elle contemple, impuissante, ce triste spectacle. Le visage de sa s?ur se déforme de plus en plus à cause de la douleur. Une nouvelle série de craquements retentit et l'érinye pousse un cri strident. Le ma?tre qui tenait la pauvre fille de la main gauche lui assène un grand coup de la main droite en direction du sol. Le visage d'Alecto s'écrasa contre le pavé. En une fraction de seconde, son visage écrasé devient rouge écarlate et des larmes tombaient abondamment de ses yeux toujours grands ouverts.

  Hadès presse fortement le visage de la guerrière contre le sol et tire son aile vers le haut à l'aide de sa main gauche. Il appuie si fort que le nez de la jeune fille se brise brutalement laissant échapper une gerbe de sang en direction de Mégère. La s?ur épargnée est transpirante, haletante et en larmes. L'aile d'Alecto est maintenant brisée et ressemble aux tiges d'un grand arbre mort. Le ma?tre tire lentement avec sa main gauche et l'érinye pousse un long cri étouffé pendant que la peau de son dos se désolidarise peu à peu du reste de la chair. Son corps se tord d'une fa?on grotesque et on devine la forme de l'os de l'aile poussant vers l'extérieur à travers la chair. L'écartèlement dure plusieurs longues secondes durant lesquelles l'érinye ne cesse de crier.

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  Soudain, un claquement bruyant provenant du dos retentit et l'aile remonte brutalement. Le ma?tre tire encore, presque sans effort et arrache l'aile de son h?te comme on retire une mauvaise herbe. Le membre ne sort pas brutalement, une tra?née de chair se détache petit à petit accompagnée, à chaque centimètre parcouru, par une montée dans les aigus des cris de la jeune fille. Celle-ci avait commencé à se débattre et griffait frénétiquement le sol. Son corps tout entier était pris de spasmes violents. Mais ses mouvements ne rivalisaient pas avec la force du ma?tre et l'aile emporta avec elle un tiers de la peau du dos en plus de divers lambeaux de chair.

  Une fois l'opération terminée, le dieu détache sa main droite de la tête d'Alecto qui reste au sol, immobile. Mégère aper?oit le visage de sa s?ur. Elle est défigurée et dans un état de panique indescriptible. Mégère est incapable de retenir ses larmes. Ses mains tremblent, elle se penche doucement vers sa s?ur mais ne peut rien. Elle se tourne vers son ma?tre. Hadès tient encore la grande aile noire couverte de sang de sa s?ur. D'un geste négligent, il jette le membre aux pieds de l'érinye et repart s'asseoir.

  ? Va, Megaera, ordonne Nyx. ?

  Nyx est restée presque impassible devant la scène. Mégère se relève lentement, les jambes tremblantes. Elle rassemble ce qu'il lui reste de courage et rejoint lentement la porte d'entrée. Dès qu'elle est hors de la vue de la salle du tr?ne, elle pose la main contre un mur et s'effondre en pleurs.

  ***

  ? Mademoiselle ? Mademoiselle, est-ce que ?a va ? ?

  L'érinye ouvre les yeux, elle se trouve assise au bord de son lit. Les larmes créent un voile sur ses yeux et elle peut à peine distinguer la servante. Louna l'avait vue s'effondrer dans le couloir et l'avait forcée à rentrer dans sa chambre.

  ? Personne ne nous a vu Mademoiselle, ne vous inquiétez pas. ?

  Mégère ne répond pas et continue de sangloter.

  ? Dites-moi ce qui s'est passé, j'ai entendu des cris horribles... s'inquiète la servante. ?

  Les pleurs de l'Erinye redoublent.

  ? C'est ma s?ur, dit-elle finalement entre deux sanglots, c'est ma faute. Louna, je suis monstrueuse, c'est ma faute ce qui est arrivé ! ?

  Elle cache de nouveau son visage dans ses mains. La servante, déboussolée, prend aussit?t sa ma?tresse dans ses bras.

  La jeune fille se noie dans ses larmes. La culpabilité lui pèse sur le c?ur et rien de ce que pourra faire Louna ne pourra la réconforter. Alecto et Tisiphone sont sa seule famille aussi cruelle soit-elle. Elle tenait au lien de sang qui les unissait et ne pouvait se résoudre à abandonner sa s?ur. Il est maintenant trop tard pour Alecto, Mégère conna?t le sort réservé par Hadès à ceux qui l'ont dé?u. Les créatures chtoniennes comme les érinyes ne connaissent pas la mort, mais elles connaissent bien la souffrance. Alecto était réservée à une éternité de supplices et Mégère savait qu'elle en était la seule responsable.

  Les sanglots de la jeune fille se calment peu à peu et la tristesse laisse place à la peur.

  ? Louna... Je ne sais pas quoi faire, dit la jeune fille terrifiée. ?

  Elle avait découvert son visage et plantait maintenant ses ongles dans ses bras. Louna prend les mains de la jeune fille et les serre contre elle.

  ? Ne soyez pas trop dure avec vous-même, moi je suis contente de vous voir saine et sauve. Les actions de votre s?ur ne valaient peut-être pas un sort aussi cruel mais elle le méritait infiniment plus que vous.

  - Non Louna, tu ne comprends pas. Je le mérite tout autant qu'elle. J'ai échoué moi aussi, le supplice d'Alecto, je le subirai aussi si je ne fais rien.

  - Que dites-vous ? Mais... Le prince est toujours là. Qu'entendez-vous par ? j'ai échoué ? ?

  - Ce n'est pas la première fois que Zagreus passe Louna. Je ne suis pas assez forte pour le retenir. ?

  à ces mots, Louna prend peur également. En dépit de ses angoisses, elle serre l'érinye plus fort encore :

  ? Ma?tresse, tout n'est pas perdu, personne ne le saura. Personne n'est au courant à part vous et le prince.

  - Nyx aide Zagreus depuis le début, je ne serais pas surprise si elle était au courant également. Louna, je suis perdue. Tout le monde me veut du mal, je ne sais pas quoi faire. J'ai si peur... ?

  Mégère murmure la dernière phrase et s'effondre sur l'épaule de Louna. Elle avait vidé toutes les larmes de son c?ur et est épuisée. Louna prit sa ma?tresse dans ses bras et vint la poser délicatement sur son lit. L'érinye reste allongée, immobile pendant que Louna quitte la pièce. La servante cherche ses mots pour rassurer sa ma?tresse mais l'ampleur de la situation la dépasse complètement et elle ferme la porte en silence.

  ***

  Mégère se retrouve seule avec ses pensées dans l'obscurité. Au milieu de son chagrin, elle repense aux derniers mots du prince, qui résonnent en elle, tandis que son esprit se perd.

  Soudain, elle ouvre les yeux, quelque chose frappe de l'intérieur. Un bruit sourd et puissant. C'est son c?ur qui s'emballe. Au milieu de l'obscurité, la poitrine de Mégère semble faire vibrer toute la chambre. Elle ouvre la bouche pour respirer. Ses yeux sont toujours grands ouverts mais la pièce est plongée dans la pénombre.

  ? Est-ce que je peux prendre ta main ? pense-t-elle dans l'obscurité.

  - ... ?

  Elle entrouvre délicatement sa paume et laisse la pénombre s'emparer de sa main.

  ? Ne me laisse pas seule.

  - ... ?

  Une larme coule le long de sa joue. En dépit de tout, l'obscurité reste indifférente aux sanglots de la jeune fille.

  ? Tu m'écoutes ?

  - ...

  - Que dirais-tu si tu me voyais ainsi, est ce que tu aurais pitié de moi ? Est-ce que tu te moquerais de moi ?

  - ...

  - Pourquoi tu t'inquiètes pour moi ? Regarde-moi, je ne suis rien, ni personne. Qu'y a-t-il dans ton regard lorsque tu poses les yeux sur moi ? ?

  L'obscurité reste de marbre face à ces questions. Mégère ne supporte plus son indifférence, elle se lève de son lit et fait un pas vers lui.

  ? Je suis si bien avec toi, dit-elle en apposant ses mains sur lui. ?

  Le mur de pierres froides ne lui rend pas son accolade mais en dépit de cette indifférence, l'érinye trouve partiellement le réconfort qu'elle cherchait. Sa joue se pose sur son torse et elle écoute battre son c?ur. Cette accolade la remplit d'amour et de sérénité. Les angoisses et les souffrances se dissolvent dans le granit. La poitrine inerte absorbe vite les maux de la jeune fille. Mégère se sent enfin apaisée. Là, elle pourrait s'endormir. Elle détache lentement son visage, écarte ses mains et fait un pas vers son lit. Elle exécute chacun de ses gestes avec beaucoup de délicatesse et sa démarche ne laisse pas s'échapper le moindre son. Son corps entier est comme du verre capable d'éclater au moindre choc qu'elle manipule avec la plus grande délicatesse. Elle soulève d'un doigt la fine couverture et étend précautionneusement ses longues jambes sur les draps. Elle pose délicatement sa tête sur l'oreiller. Plus une pensée ne traverse son esprit. C'est ainsi, apaisée, que Mégère s'endort, l'esprit vide et le c?ur plein d'amour.

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