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2. Le réveil

  La faim avait disparue pour laisser place à un état second où la douleur n’existait plus. Des fils sortaient de ses bras, reliés à d’étranges machines dans une pièce blanche d’angoisse. Quelques secondes suffirent à Tsukinoko pour reprendre ses esprits, arracher les fils et envoyer valser d’un coup de pieds les machines bipant bruyamment.

  Une femme habillée d’une tunique verte surgit dans la pièce avec un chariot, suivie de deux hommes habillés de noir avec une cape sur les épaules. Leurs visages étaient cachés par des masques en porcelaine blanche, l’un peint d’un visage abstrait de chat et l’autre un quart rempli de noir. Ils écarquillent tous les trois les yeux devant Tsukinoko, debout dans son lit, qui se jeta sur eux à peine la porte franchie. Son chakra émanait autour d’elle et les hommes se firent électrocuter. D’un pas prudent, l’infirmière approcha d’elle.

  - Je suis infirmière, dit-elle calmement, et tu es à l'h?pital. Calme-toi, tout va bien.

  - à l'h?pital ? C'est quoi ?a ?!

  - Tu es ici pour être soignée. Tu ne dois pas te souvenir de ce qu’il s’est passé, tu-

  - Vous m'avez fait quoi ?! panique-t-elle accroupie sur le rebord de la fenêtre comme un chaton sauvage.

  - Tu as été amenée ici il y a plus de deux semaines car-

  - Deux semaines ?!

  - Tu as été placée dans le coma, dit-elle doucement.

  - C’est quoi le coma ?!

  La femme était perplexe mais continuait à l'approcher doucement.

  - Tu dois rester ici, à l’h?pital, on va s’occuper de toi jusqu’à ce que tu ailles mieux.

  - C’est quoi un h?pital putain ?! Je te connais pas, dégage ! criait Tsukinoko en prenant une position mena?ante.

  - C’est un établissement qui prend soin des malades et les guéri, dit-elle en s’accroupissant.

  Tsukinoko restait sur ses gardes, peu rassurée pendant que les deux agents masqués s'étonnaient de son ignorance, ou peut-être d’une amnésie provoquée par son état.

  A bout, Tsukinoko saute par-dessus la médecin, saisit dans son élan le dossier qui était accroché au bout de son lit, puis s’enfuie dans le couloir. Les agents s'élancent à sa poursuite, esquivant les patients qui se faisaient bousculer par Tsukinoko. Au détour d’un couloir, elle s'enferme dans une pièce et dissimule sa présence en diminuant son chakra. La pièce était pleine de casiers et elle les ouvre un à un à la recherche de ses affaires, mais ne trouve que des vêtements tous identiques, verts. Au hasard, elle enfile un pantalon et un grand t-shirt blanc puis s'enfuit par la fenêtre.

  Tsukinoko reprend son souffle, cachée sur son camphrier après avoir arpenté les toits à toute vitesse. Son dossier médical ne l’aidait pas, rempli de termes scientifiques inconnus, dans un langage soutenu, et fini caché dans l'arbre à son tour. En cette saison, l'arbre était recouvert de neige, et Tsukinoko se met en boule, au creux des racines, pour réfléchir.

  Le lendemain, Tsukinoko était en forme et décide de s'en tenir au même plan que la dernière fois. L’intrusion dans la Résidence f?t un succès. Ses pas l’avaient mené dans une grande bibliothèque.

  Impressionnée, Tsukinoko n’avait jamais vu autant de livres et serpentait entre les allées. Au bout de quelques heures, elle avait déniché des registres de tous les habitants qui étaient partis du Village depuis sa création. Mais encore une fois, il n'y avait que des documents dotés de dates étranges, semblant avancées de cinq années. La nuit était tombée et Tsukinoko fouillait à la lueur de bougies.

  D’un courant d’air, une présence appara?t silencieusement derrière elle. Un homme dans un kimono rouge et un long haori blanc se tenait derrière elle, les traits du visage marqués, des cheveux et un bouc bruns. Il souffle la fumée de sa pipe en l’air puis s’exclame gravement.

  - Eh bien, tu as mis une sacrée pagaille.

  Tsukinoko ne sait pas quoi répondre, prise de court, et se contentait de le dévisager. L’homme ressemblait fortement au troisième visage gravé dans la montagne. Les deux hommes masqués de l’h?pital surgissent à son tour devant elle, le même cauchemar se répétant.

  - Un instant, leur ordonne-t-il. Que fais-tu là ?

  - Je... T'es qui ? demande-t-elle sèchement.

  Il s'étonne et lui répond tout à coup en ricanant.

  - Je pensais avoir plus de notoriété que cela. Je suis le 3ème chef, Haruo Sato. Cela ne te dit rien ? s'étonne-t-il en voyant qu'elle écarquille les yeux.

  - Hein... murmure-t-elle. Tu connais Anba Hashirama alors ?

  - Eh bien, c’est mon défunt élève, avec le second chef.

  - Elève ? Mais t'es si vieux...

  - Pas tant que cela. Certes, cela fait un moment déjà, plus de quarante ans, songe-t-il.

  - Quarante ans... Mais t'as quel age ?

  - Et toi donc ? s'étonne-t-il devant ses questions.

  - Sept ans, dit-elle en cachant sa panique. Il...

  - Sept ? Tu as l’air d’avoir douze ans, ne ment pas, ordonne-t-il.

  Tout se mélangeait dans la tête de Tsukinoko et l'angoisse lui rougit les tempes. Elle fait un rapide calcul et si la date récente était correcte, Tsukinoko était bien à Hanamaru comme le voulait sa mère mais quelque chose n'allait pas, car Hashirama Anba, jadis le chef, vivait à la même époque qu’elle.

  - Que t’arrive-t-il ? demande le chef actuel devant son état. Peux-tu expliquer ce que tu fais là ? Pourquoi t’être enfuie de l’h?pital ?

  - Je... Je cherche mes parents, murmure-t-elle en baissant sa garde. Ils ont disparu depuis l'attaque de Ky?me et je... Peut-être qu’y avait des informations dans les documents, marmonne-t-elle.

  Les trois hommes échangent un regard et le chef l’observe tout à coup avec tristesse. Rien de dangereux ou de suspicieux n’émanait de lui.

  - Qui sont tes parents ?

  Si Tsukinoko avait voyagé dans le temps et si toute cette situation était vraie, ils ne seraient pas ici. Ou peut-être que si.

  N'aie pas peur, tout ira bien. Ne révèle jamais qui nous sommes, ton père et moi, d’accord ? Ne parle plus jamais de nous, d'où tu viens. Oublie-nous, ment, invente-toi un passé et une nouvelle identité, mais ne révèle jamais notre identité à tous..

  - Futoshi et Orie Sato, répond enfin Tsukinoko.

  Le chef la regarde longuement dans les yeux, semblant juger de sa sincérité avant de décider de la suite des évènements. Le chef fait un signe de tête à l'un de ses agents qui s'en va aussit?t, puis se rapproche doucement de Tsukinoko.

  - Dis-moi, comment as-tu réussi à entrer ?

  - Bah ils regardaient ailleurs à l’entrée, dit-elle hautainement.

  - Je vois, soupire-t-il. Dans ce cas, nous allons te raccompagner à l'orphelinat.

  - Je veux pas aller là-bas ! Dégage ! crie-t-elle en bondissant en arrière.

  Elle recule encore d'un pas mais se cogne contre l'homme masqué, soudain apparu derrière elle.

  - Tu n'y es jamais allée ? s'étonne le chef en tirant sur sa pipe. Tu as de la famille ici ? Il neige, tu ne peux quand même pas dormir dehors par ce temps.

  - Bah si ! Enfin je... Je dors dans ma cachette, se méfie-t-elle. Je veux retrouver mes parents et rentrer chez moi, c'est tout !

  L’agent était revenu avec quelques papiers en mains et s'adresse au Chef à voix basse.

  - On a bien un Futoshi et une Orie Sato, mais ils ont quitté le village y a quelques années, quasiment en même temps. Ils ont d? s'installer ensemble quelque part dans le pays. J'ai cherché ici, et je n'ai trouvé que la trace de Futoshi... à la morgue, chuchote-t-il. Nous n’avons rien trouvé de plus sur elle en revanche. Il semblerait qu’ils n’aient pas recensé sa naissance au Village.

  - Et la mère ?

  - Aucune trace. Nous avons re?u beaucoup de corps non identifiables après l'attaque, c'est s?rement l'un d'eux.

  Tsukinoko avait tout entendu et écarquille les yeux. Cette fois-ci, son instinct ne l’avait pas trahie. Sa couverture semblait valide aux yeux du chef.

  - Je suis désolé, tes parents n'ont pas survécu, Tsukinoko. Le village a une dette envers eux et envers toi, nous sommes reconnaissants du sacrifice qu'ils ont fait. Ils ont énormément de courage et tu peux être fière d'eux, récite-t-il comme une prière apprise par c?ur.

  Tsukinoko l'écoutait sans rien dire, la tête baissée, se laissant abattre par les évènements.

  This story has been stolen from Royal Road. If you read it on Amazon, please report it

  - Tu ne vas pas continuer à vivre dans la rue ? Cela t'a presque déjà co?té la vie.

  - Hein ? dit-elle avec un air niais. Nan mais... J'avais un rhume, dit-elle en regardant ailleurs.

  - Un rhume ?

  - Enfin... Un coma. C'est ce qu'a dit la dame. Hein Jījī, c’est comme un rhume, nan ? hésite-t-elle.

  Il la regarde tristement des pieds à la tête alors qu'elle le dévisageait.

  - Ce n'est pas une maladie. C'est lorsque ton corps est si fatigué qu'il ne peut plus fonctionner normalement, alors il se plonge dans un profond sommeil pour économiser ses forces. Tu vas passer la nuit à l'infirmerie finalement, et nous t'amènerons à l'Académie demain après t'avoir inscrite à l'orphelinat. Tu ne vas pas rester dans la rue indéfiniment.

  - L'Académie ? Pourquoi faire ? s'inquiète-t-elle. Et j’veux pas aller à l'orphelinat putain ! insiste-t-elle. Je peux partir maintenant ! s'impatiente-t-elle.

  - Et où comptes-tu aller ? Quelqu'un t'attend ? Mon petit, je ne te laisserai pas repartir si tu es toute seule.

  - Pourquoi ?! On se conna?t pas, lache-moi ! crie-t-elle devant la sortie.

  - C'est vrai, mais je ne laisse pas les enfants seuls dans la rue. Vous êtes précieux, et mon travail est de vous protéger, dit-il d’un ton rassurant.

  - Ta gueule, j'irais pas à l'orphelinat putain ! s'agace-t-elle. T'es sourd Jījī ! Tu m’emmerdes !

  L’un des homme masqué la tire vivement par l’épaule pour lui enfoncer la tête dans le sol, agenouillée de force aux pieds du chef. Les poils drus du tapis griffaient le visage de Tsukinoko.

  - Tu t’adresses au Chef, surveille tes paroles !

  L’agent re?oit un coup poignant dans le tibia en retour et Tsukinoko bondit sur le c?té. Le chef l’observait, telle un chaton apeuré qui sautillait dans toute la pièce à la recherche d’un échappatoire. L’homme masqué perd patience et lance un lasso à boules qui lui lie les chevilles et elle chute juste devant le chef. Ce dernier sourit puis réfléchit un instant en la regardant essayer de casser la corde avec ses dents comme une sauvage.

  - Dis-moi, tu aimerais rester au Village ?

  - Ouais, marmonne-t-elle en haussant les épaules. Maman m'a dit d'attendre ici.

  Le chef n'avait pas l'air méchant. La mère de Tsukinoko lui avait demandé de rester au Village pour le protéger, et elle décide alors de le faire, en attendant de la retrouver. Convaincue que ses parents reviendront. Cette histoire de bond dans le temps lui revient en tête et elle soupire tout à coup en sanglotant, à bout de nerfs.

  - Je veux Papa et Maman... sanglote-t-elle comme un bébé à genoux. Pourquoi ils viennent pas me chercher ? Je veux rentrer à la maison !

  Le Chef défait le lasso de ses chevilles sans rien dire puis la prend dans ses bras, et elle se noie dans son kimono. Le serrant aussi fort qu’elle serrerait ses parents. Il soupire longuement en continuant à la consoler la gorge nouée. Les agents s’en vont mais l'un d'eux lui glisse.

  - Il faudrait l'interroger avant de l'introduire au village, Monsieur. Elle représente peut-être une menace, nous ne savons pas d'où elle vient. Après ces derniers mois, il vaut mieux être sur nos gardes.

  - Je m’en occupe personnellement. Disposez.

  Les agents s'en vont pour de bon et Tsukinoko recule timidement en voyant qu'elle avait inondé le kimono de ses larmes. Le chef rallume sa pipe, l'air songeur.

  - Le Village va s'occuper de toi désormais, tu ne seras plus seule. Si tu ne veux pas à aller à l'orphelinat, nous allons voir pour te trouver un endroit où dormir. C'est vrai que tu es assez grande pour vivre seule, sourit-il.

  - Grande ? Et je vais faire quoi ici en attendant ?

  - En attendant quoi ?

  - Que Papa et Maman reviennent me chercher, insiste-t-elle. Tu vas m’aider ?

  - Eh bien, tu sembles savoir te défendre. Quel est ton niveau militaire ?

  - Euh ? Bah... Je sais pas, hausse-t-elle les épaules. C'est Papa qui m'entra?ne.

  - Je vois. écoute, je te propose un marché. Tu recevras chaque mois de l'argent pour faire tes courses, et tu vivras aux frais du Village. En échange, tu t'engages à être formée et devenir Soldat. Ensuite, tu partiras en missions pour le village. Une partie de tes paies servira à rembourser l'emprunt qui te loge et te nourris, l'autre partie sera pour toi. Ainsi, tu aides le Village à remplir ses missions, et ensuite, à ta majorité, quand tu auras tout remboursé, tu seras libre de faire ce que tu veux. Tu pourras choisir entre rester ici ou faire ta vie ailleurs. Alors ?

  Tsukinoko réfléchit à sa proposition, ne sachant pas quoi faire d'autre, il n’y n'avait rien à perdre à accepter. Cela permettra de ne plus vivre dehors un moment et d'éviter les ennuis. Le temps avisera de la suite des évènements. Le Chef lui promit qu’elle deviendrait soldat, comme ses parents.

  Tsukinoko se blottissait contre le haori du Chef pour ne pas congeler. Lui ne disait rien, attendri, alors qu’elle restait cachée derrière lui, jusqu’à arriver dans un petit restaurant de rue.

  - Au fait Jījī... demande-t-elle timidement au bout d'un moment. Si t'es encore Chef, ton visage c'est le troisième sur la montagne. Alors pourquoi y en a quatre ?

  - C'est le 4ème, dit-il avec un air grave. J'avais pris ma retraite, mais je suis forcé de reprendre mes fonctions.

  - Pourquoi ? Il est où ?

  Le 4ème chef du Village s’était sacrifié pour sauver le village du Démon à neuf yeux, avec sa femme YY YY. Le Chef s'amusait de son ignorance et lui expliquait alors l'origine du clan YY, traditionnels réceptacles du Démon à neuf yeux, et les liens pacifistes qu'ils avaient avec le Village.

  - Mito KARUMIN ? s'étonne-t-elle en ouvrant grand les yeux.

  - Cela fait quelques années qu'elle nous a quittés.

  Tsukinoko fixe le comptoir en retenant sa réaction, dépitée. Cette femme qu’elle n’avait connu que quelques heures était pourtant son salut au Village, celle que sa mère lui avait ordonné de retrouver.

  Teuchi, le patron du petit restaurant, posa un bol fumant devant elle. Affamée, Tsukinoko encha?nait les nouilles sous le regard attendri du chef, qui continuait à parler tout en cuisinant. Il lui expliqua brièvement le fonctionnement du village et de ses dirigeants. Mais quand il aborda le combat du Canyon maudit, elle s’arrêta net, l’appétit coupé. Le regard figé sur son bol, la gorge nouée, elle haussa simplement les épaules, incapable de répondre.

  Il conclut sur l’attaque qui avait secoué le village quelques mois plus t?t. Fondé depuis plus de quarante ans, disait-il. Tsukinoko n’en revenait pas. Dans ses souvenirs, le village n’avait que quelques années d’existence. était-elle encore en train de rêver, comme à l’h?pital ? Pourtant, les visages sculptés dans la pierre étaient bien là, et le chef en chair et en os à ses c?tés, encore sur son premier bol.

  Il poursuivait son récit, mais elle ne l’écoutait plus. Quelque chose de plus troublant occupait son esprit : cet étrange futur était devenu le présent. Tout le monde avait vieilli, les années avaient passé — sauf pour elle. Elle n’avait pas changé, comme si elle s’était simplement réveillée au milieu du chaos. Un frisson la parcourut. Elle était effrayée. Pourtant, malgré cette faille temporelle incompréhensible, l’espoir persistait.

  Ralentis dans leur balade dans le centre-ville par Tsukinoko qui observait curieusement chaque animation, chaque passant, ils sont soudain surpris par de minuscules explosions qui retentissent à c?té d'elle. Tsukinoko bondit sur le c?té avant de se mettre en garde devant le Chef, comme par réflexe. Plus loin dans la rue, des enfants ricanaient entre eux en jetant d’autres explosifs, slalomant entre les habitants. Le chef rigola et pose doucement sa main sur sa tête.

  - Tu as eu peur ? Ce n’est rien, ils ne font que de s'amuser.

  - Ah bon ? tremble-t-elle. C’était quoi ?

  - Des pétards.

  - ?a sert à quoi ?

  - Pas à grand-chose... Mais il en existe de plus gros qui s'envolent dans le ciel, et ceux-ci font un très joli spectacle. Ce sont des feux d'artifice.

  - Hein ?

  - Tu n'en as jamais vu ?

  Elle fait non de la tête, embarrassée, mais il sourit et se remet en route.

  - Tu as de la chance, il y en a ce soir pour fêter la nouvelle année.

  Tsukinoko marchait en restant aux aguets, grelottant de froid et soufflant dans ses mains pour se réchauffer. De ses grands yeux pleins de vie, elle observait curieusement tous les stands d'activité, de jeux, de bibelots, de nourriture érigés spécialement pour ce jour de fête. Des figures en forme d'animaux qui flottaient dans l’air, accrochées à des ficelles, retiennent son attention. Le Chef s'arrête en voyant qu'elle ne le suivait plus et la rejoint.

  - Ce sont des ballons de baudruche, explique-t-il.

  - Des ballons de quoi ?

  Il en attrape un et le lui donne, et elle l'observe curieusement en grima?ant. Elle lui rend le ballon puis va tripoter tous les autres bibelots du stand, amusée. Le Chef la regarde faire un moment puis lui tend un ballon en forme de panthère avant de se remettre en route.

  - C’est un cadeau, dit-il en soufflant sa pipe. Allez, en route, ou on manquera le spectacle.

  Tsukinoko, les yeux rivés sur son ballon, s’agrippait à son haori, rayonnante. La foule saluait le Chef à son passage. Parmi elle, un couple leur fit signe de loin : tous deux portaient des kimonos festifs et épais. La femme, aux longs cheveux blonds attachés en deux queues de cheval, avait quelques mèches encadrant son visage fin et une étrange marque violette en losange sur le front. Tsukinoko la fixait, intriguée, sans se faire remarquer.

  Ils échangèrent quelques mots, puis la femme s’éclipsa. L’homme, lui, resta un instant. Grand, massif, il portait de longs cheveux blancs en bataille, des marques rouges sur les joues, et une verrue sur le nez. Il pencha la tête, intrigué par une bosse dans le dos du Chef, qu’il désigna du doigt.

  Sans prévenir, le Chef souleva son vêtement : un ballon en forme de veau s’échappa dans les airs, rattrapé in extremis par une petite main grise de poussière.

  - C’est Tsukinoko, une orpheline de l'Attaque, souffle le chef.

  Cette dernière panique et se recache derrière lui en épiant l’homme, qui la regardait de travers. Elle avait le visage plein de terre, les cheveux en pétards et habillée comme une voleuse.

  - Ah ! s'esclaffe-t-il. Vous auriez presque un air de ressemblance quand même !

  - Hein ? grimace-t-elle en sortant la tête. C'est qui lui Jījī ?

  - Jījī ? s'étonne l'homme. Il s’agit du Chef, parle correctement !

  Tsukinoko ne se sentait pas rassurée et se blottit contre le chef en fron?ant les sourcils.

  - Eh ben, elle a l'air de t'avoir déjà adopté ! ricane Furoggu. Tu comptes la garder sous ton aile ? ?a te manque d’avoir des disciples, on dirait ?

  Il jette un ?il à Tsukinoko, de son air ahuri. Furoggu, son dernier disciple, en bin?me avec Sh?d?, une médecin de renommée.

  - Va savoir.

  La balade avait repris mais Tsukinoko, son ballon en main, fronce les sourcils. Pourquoi le Chef était si gentil avec elle, d’autant plus qu’elle se sentait gênée à l'idée de s'imposer et de trop se montrer. S'il s'agissait d'un piège, mieux valait s'éclipser en attendant de trouver une solution pour s'en sortir seule. Elle le remercie rapidement pour les nouilles et les bottes rembourrées qu’il lui avait acheté, puis s’en va, mais il ne l’entendait pas de cette oreille.

  - Où comptes-tu aller ? la retient-elle.

  - Ben... s'agace-t-elle. Ma cachette ! Qu'est-ce tu me veux putain ?!

  - Juste ta sécurité Tsukinoko. Je t'ai déjà dit que je n'accepte pas qu'un enfant dorme dehors, surtout par ce temps. En attendant que tu aies un parrain attitré demain, comme les autres, je m'occupe de toi.

  - Beh... J'ai pas besoin d'aide, c’est bon ! souffle-t-elle. Je viendrais demain pour le contrat de Soldat, pour faire le travail de l'emprunt d'argent avec la mission de... Ce que t'as dit ! s'agace-t-elle en grima?ant.

  - On dirait que tout ?a est nouveau pour toi, rigole-t-il. Tu ne veux pas voir le spectacle alors ?

  - Je verrais de ma cachette ! grimace-t-elle impatiente.

  - Tu as un joli petit rire, mais une sacrée grimace ! s'amuse-t-il.

  Son rire résonne dans la rue, plissant les traits marqués de son visage jusqu’à recouvrir ses yeux. A peine les rouvre-t-il que la silhouette de Tsukinoko avait dispar?t derrière le toit d’un immeuble voisin.

  Les yeux fixés sur le ciel en attendant le spectacle, un froissement de papier vint troubler le silence parmi les branches du camphrier. Tsukinoko tombe des nues en voyant le Chef lire son dossier d'h?pital qu'elle avait caché et se relève furieuse. Il finit de lire puis observe l’immense arbre, compte les encoches sur le tronc et soupire tristement avant de regarder une nouvelle fois son dossier.

  - Tu as passé deux mois ici alors ? Seule, dans le froid ?

  - Ouais. Tranquille, les branches sont grandes j'avais pas peur de tomber ! sourit-elle fièrement les mains sur les hanches.

  Il s’étonne de voir à quel point elle était souriante et optimiste.

  - Tu dissimules bien ta peine derrière ce grand sourire, dit-il doucement. Pourquoi n’as-tu pas demandé de l'aide ?

  - Je... hésite-t-elle. J'avais peur... Et je connais personne moi, hausse-t-elle les épaules.

  Après une négociation houleuse pour convaincre Tsukinoko de dormir à l’infirmerie de la Résidence, sous menace qu’elle serait autrement envoyée à l’orphelinat, ils s’installent enfin pour profiter du spectacle. Le chef était assis contre le tronc en tailleur, Tsukinoko blottit timidement dans son haori. Bien et en sécurité avec lui finalement. De toutes les couleurs, le feu d'artifice illumine le ciel et révèle les cicatrices de l’Attaque qui passaient inaper?ues en plein jour.

  Papy

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